La petite jument baie attendait au fond de son box, se fondant dans l'Ombre. Timide, elle attendait que son cavalier vienne la rejoindre. Les jours et les nuits s'étaient succédées a une vitesse hallucinante depuis qu'elle était arrivée a San Francisco. Souvent la nuit, elle revoyait les années passées a arpenter les pistes d'herbe a une allure impressionnante. De star des hippodromes, elle était tombée très bas. Coincée dans un box pendant toutes ses années jusqu-à ce qu'IL vienne la sortir de là. Elle dressa les oreilles, la lumière de l'aube pointait son nez, il serait bientôt là. A la même heure chaque jour. IL semblait vivre la nuit, l'aube et le crépuscule, en journée elle ne l'observait que rarement. Drôle d'animal.

Un bruit de porte, l'odeur de menthe et de fumée. IL était là. Elle tourna la tête vers lui. IL avait tout fait pour elle. IL l'avait veillé lors de ses nuits de coliques, lui avait donné un toit qui ne risquait pas de lui tomber sur la tête, l'avait nourri, lui avait donné de l'affection. Mais avant toutes choses, il lui avait donné son temps. Le temps était la chose la plus précieuse qu'il avait pu lui offrir. Le temps de se remettre, de reprendre ses marques et de lui donner une once de sa confiance. Mais aujourd'hui, l'homme semblait chargé. Une grande corde qui n'inspirait rien de bon à la petite jument. Elle le laissa entrer, elle le laissa lui donner son affection qu'elle lui rendit avec gentillesse. Elle sentait les brosses s'enchaîner les unes après les autres sur son poil sombre. Elle grinça des dents lorsqu'il passa trop près de ses côtes et fut rappeler à l'ordre lorsque son sabots vint s'écraser dans le mur alors qu'il ne demandait qu'à le nettoyer pour qu'elle se sente mieux. Elle n'avait plus vraiment l'habitude de toutes ces choses si banales mais elle s'y habituait peu à peu. Il lui passa un licol sans qu'elle ne rechigne et elle le suivit, heureuse de profiter de la fraicheur de l'air si matinal.

Mais cette fois ci elle ne découvrit pas l'herbe grasse et drue. Simplement un cercle fermé, effrayant, un espace clos, rempli de sable. Il ferma la porte et la mena en cercle la faisant marcher longuement. Puis il l'arrêta au milieu de celui ci, attachant la grande corde et la chassant soudain. Elle ne comprit pas vraiment et resta immobile. Puis soudain, alors que la corde touchait sa croupe, elle se lança dans une galopade effrénée qui manqua de faire tomber le cavalier à la renverse. La grande longe dansait dans l'air et elle tenta de la fuir en rasant les mur. Elle galopait comme on lui avait toujours appris à galoper mais cette fois ci dans un rond exigue, elle penchait dangereusement vers l'intérieur, contrebalançant tout le poids de son corps en contre incurvant étrangement son encolure. Le Blond lui murmurait, il chantonnait d'une voix douce et apaisante. Il tentait de la calmer. Elle finit au bout d'un temps bien trop long par repasser dans un trot désarticulé puis se calla au pas. Il semblait avoir compris sa crainte puisqu'il la laissa simplement aller à sa guise dans ce nouvel environnement en détachant la longe.

Il recommença cependant à la chasser à nouveau de sa longe en lui intimant d'aller plus vite. Elle reprit sa cavalcade effrénée mais dans l’autre sens. L'antérieur qui soutenait le poids était encore fragile et elle trébucha jusqu'à se retrouver toute penaude et à genoux. Et ce manège recommença, il lui demandait d'aller en avant et elle partait au galop comme émergeant des boites de départ. Au bout de trois quart d'heure, la baie était transpireuse, luisante, le souffle court, épuisé par sa course. Et pourtant il continuait encore. Elle se mit en marcha à sa sollicitation, prenant simplement un bon pas. Et tout s'arrêta là, les épaules de l'homme s'affaissèrent, il se détourna d'elle un instant puis revint près d'elle et félicita. Alors tout ce qu'il voulait c'était qu'elle marche ? La leçon était comprise.

Elle trouva le contact frais de l'eau de la douche puis fut bientôt lâché dans le pré à l'ombre des grands arbres.