Ils ne faisaient plus qu'un. Tentant avec plus ou moins de succès de ne pas se laisser aller tout de suite, le letton profita de ce fragile instant de communion totale. Ils étaient une seule et même personne ; leurs corps et leurs âmes semblaient comme connectés. Curare savourait, les yeux fermés, se laissant volontiers envahir par tout ce qu'il ressentait. Tout ce qu'il partageait avec son homme. Son mari. Son amant. L'autre partie de lui, qui lui manquait affreusement lorsqu'il était loin. Et même lorsqu'il était proche ; le tatoué avait l'impression qu'il ne serait jamais assez près de son compagnon.
Dans ces moments privilégiés, il parvenait aisément à oublier tout ce qui avait pu les séparer par le passé. Ils ne s'étaient jamais éloignés au point de ne pas retrouver leur chemin l'un vers l'autre, et c'était aujourd'hui le plus important pour le letton. Il ne voulait pas perdre Matt ; tout, mais pas ça. Il gravirait des montagnes, marcherait des kilomètres, et traverserait des océans si cela s'avérait nécessaire pour garder son précieux brun à ses côté.
Et dans ces moments sauvages, ces moments où son homme exigeait et prenait tout, Curare était certain qu'il ressentait la même chose. Qu'il se sacrifierait autant pour les sauver. Pour
le sauver, lui, le letton effrayé à l'idée d'aimer à nouveau. Cette peur, sourde et chancelante, n'en était pas moins vivante jour après jour. Maintenant qu'il avait goûté au bonheur pur et simple, il doutait de pouvoir un jour s'en passer.
Il doutait de pouvoir un jour se passer de Matt. Et cette dépendance absolue et totale l'effrayait au plus haut point. Car, sans l'Australien, le tatoué n'était plus rien.
Le plaisir déferla, chez l'un comme chez l'autre. Comme détaché de son propre corps, il sembla à Curare qu'il observait la scène du dessus. Il aurait été étonné de se voir ainsi, complètement nu, entièrement à la merci d'un homme qui parvenait, si c'était encore possible, à lui donner toujours plus de plaisir. Les joues rouges, le souffle court, le letton s'affala pour de bon sur le matelas, bien peu ému par le fait qu'il l'avait allègrement
tâché.
Le corps soudain courbaturé par la tension qu'il avait emprisonné pendant ces longues journées de frustration, il grimaça lorsqu'il se retourna, attirant de manière quasi-compulsive la tête de son homme sur son épaule. Matt avait beau avoir le privilège de la taille (du corps, voyons, me voyez-vous parler d'autre chose ?), Curare conservait aisément celui des muscles. Et tenir ainsi son compagnon au creux de son épaule le rendait béatement heureux. Tout simplement.
Il laissa leurs souffles se calmer, s'adapter à nouveau l'un à l'autre en cet immuable menuet qu'ils connaissaient sans même se rappeler l'avoir appris un jour. Il emmêla leurs jambes en un futile geste possessif ; Matt était à lui. Tout Matt était tout à lui. Et l'Australien n'était jamais assez près, encore et toujours cet éternel problème.
Le tatoué tourna délicatement la tête pour embrasser ce qui était à sa portée, à ce moment précis la tempe gauche de son compagnon. N'importe quoi faisait l'affaire de toutes façons, il était fou amoureux de cet homme et savait se réjouir de tout.
Si je n'avais pas peur de te vexer concernant tes performances passées, je dirais que c'est meilleur à chaque fois...
Un petit sourire niais s'ajouta à cette déclaration sortie de nulle part, mais qui caractérisait plus que jamais l'impulsivité du letton, presque encore plus exacerbée lorsqu'il était en présence de son cher mari...
THE END